Je m’appelle Thomas Urben, je travaille à Addiction Valais depuis près de 10 ans. J’y ai commencé comme stagiaire, je suis parti ensuite travailler ailleurs quelque temps puis je suis revenu comme intervenant en addiction. En 2018, je suis devenu responsable du secteur ambulatoire , puis directeur depuis le mois de septembre 2021.

J’ai une petite famille qui a grandi récemment. J’habite en Valais depuis toujours et je suis fondamentalement attaché à ces terres. Nous avons un environnement magnifique qui me permet d’avoir un bon équilibre de vie entre le travail, la famille et la nature ou je passe beaucoup de temps pour me ressourcer.

Pourquoi avez-vous orienté votre carrière vers le domaine des addictions et particulièrement Addiction Valais ?

Je trouve la thématique de l’addiction passionnante. Ce sont des rencontres avec des personnes qui sont passionnantes et

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L’ENTRETIEN

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En tant que directeur j’ai l’avantage d’avoir la visibilité nécessaire pour donner mon avis sur la thématique des addictions. Cela me tient à cœur car la société et les instances ont tendance à faire comme si la problématique des addictions n’existait pas. Ma fonction me permet de rappeler, régulièrement, à qui de droit l’importance de toujours garder cette thématique dans un coin de leur tête.

Que pensez-vous pouvoir amener à addiction valais à travers votre expérience et vos compétences ?

Je pense que ma chance est de très bien connaître la problématique des addictions pour avoir accompagné des personnes durant de nombreuses années. J’ai beaucoup échangé avec elles et expérimenté ce qui marche bien et moins bien.

Aujourd’hui, mon souhait est de répondre à cette question :
« Que peut-on développer et mettre en place comme prestations pour répondre aux besoins des personnes accompagnées ? »

Le but aujourd’hui dans le traitement des addictions et d’être suffisamment souple en tant qu’institution pour permettre de répondre aux spécificités et singularités de chaque individu.

Que peut amener addiction Valais aux personnes accompagnées par ses différentes prestations ?

Pour commencer, je souhaite rappeler que de venir chez Addiction Valais ce n’est pas quelque chose de simple. Cela demande beaucoup de courage. Les personnes doivent prendre conscience qu’elles ont déjà essayé beaucoup de choses sans obtenir le succès escompté.

Les gens qui viennent nous rencontrer ont beaucoup de ressources auxquelles ils n’arrivent plus à faire appel en raison de leurs

consommations. Notre rôle, que ce soit dans l’ambulatoire, le résidentiel ou en centre de jour, est de les remettre en lumière. Mais le travail c’est toujours la personne qui devra le faire.

En ambulatoire, c’est un accompagnement individuel et par la même intervenant du début à la fin.
En centre de jour, un des axes sera le fait de cultiver du lien social qui est fondamental dans le domaine des addictions.
Le résidentiel a une autre volonté. Celle de pouvoir couper par rapport à l’environnement pour se retaper, se reconstruire. Parfois l’accompagnement en centre de jour et en ambulatoire ne sont pas suffisants. La personne a besoin de se retrouver dans un cadre un peu plus protégé pour réapprendre certaines choses car l’addiction a pris trop de place, trop d’importance. La perte de contrôle est trop prononcée et les conséquences négatives trop importantes.

En quoi l’addiction est-elle utile dans notre société ?
Nous sommes dans une société addictogène. Ce n’est pas vraiment l’addiction qui est utile à la société mais la société qui crée de l’addiction par la surconsommation, l’immédiateté, la précarisation et le plaisir immédiat. Il y a plein de critères qui font qu’à un moment donné tout est réuni pour développer des addictions. Et aujourd’hui il y a une intolérance terrible, dans la société, que ce soit pour ceux qui ne consomment pas ou ceux qui perdent le contrôle.

Il suffit de voir le regard qu’a la société par rapport à la consommation d’alcool. Les personnes abstinentes sont stigmatisées par des « Pourquoi tu ne bois pas ? ». La surconsommation entraîne également une stigmatisation.

Je pencherai plutôt pour dire que c’est la société qui crée un modèle d’addiction.

Quels sont les défis à venir pour Addiction Valais ?

Un premier défi c’est la crise COVID et de ses effets sur le long terme sur la société.
Je suis tout de même très inquiet de voir qu’aujourd’hui nous sommes dans un champ de tension assez important où beaucoup de personnes ne vont pas bien ou sont isolées

Un autre défi est la question des addictions comportementales. Nous n’avons que très peu de recul sur les conséquences d’un enfant qui utilise régulièrement une tablette dès l’âge de 5 ans, sur un jeune de 14 ans exposé à des images ou des jeux violents…

Le marché est de plus en plus libéral et le domaine de la prévention a de moins en moins de place. Tout repose sur la responsabilité de l’individu… Le défi est donc de faire remonter ces questions-là et de ne pas tomber dans l’oubli politique.

A quelle question que nous n’avons pas posées souhaitez- vous encore répondre ?

Etant donné que c’est vous qui interviewez et fréquentez le centre de jour, la question que j’aurai souhaité entendre est :
« C’est quoi pour vous le but du centre de jour ».

Pour moi ça doit être une bulle, un moment dans vos semaines. C’est- à-dire que ça doit être un endroit où vous vous sentez bien, où vous êtes en tranquillité et où vous développez des compétences.

Le but n’est pas de travailler forcément sur des questions d’addiction mais de développer et prendre goût à d’autres choses qui sont transférables à domicile avec votre budget, votre réalité et votre environnement.